Relativement peu reconnu, en France, comme un des pionniers du modernisme, l’œuvre de Jean-François Millet a pourtant eu une influence majeure dans le monde de l’art des 19eme et 20ème siècles en Europe et aux Etats-Unis. Vincent van Gogh, Terrence Malick ou encore Banksy : ils sont en effet (très) nombreux ceux qui ont été inspirés par le chef de file de l’école de Barbizon.
C’est ainsi que le Van Gogh Museum surnomma le peintre normand lors d’une rétrospective en 2019. Un hommage à l’un de ses tableaux les plus célèbres mais aussi une référence à ses origines paysannes car, avant de devenir un artiste majeur du 19ème siècle, Jean-François Millet fut berger puis laboureur au sein d’une famille de propriétaires terriens.
Son précoce don pour le dessin lui permis d’être placé en apprentissage chez un peintre de Cherbourg avant de rejoindre l’école des Beaux-arts de Paris. Dans la capitale il put admirer le travail de grands artistes (Poussin, Michel-Ange, Delacroix…) qui influencèrent son style même si celui-ci resta unique et atypique pour l’époque : Millet fut en effet le 1er à oser peindre la vie rurale, thème historiquement considéré comme pas assez noble. Cet anticonformisme s’illustra aussi dans la forme : compositions novatrices, touche picturale brute, formats grandeur nature (normalement réservés à la peinture d’histoire). Pour montrer les paysans dont il continua toute sa vie de partager le quotidien, il s’affranchit totalement de l’académisme et ouvra ainsi la voie à de nombreux artistes. On peut notamment citer Edgar Degas avec son immersion dans la vie des modestes danseuses de l’Opéra, Camille Pissaro et ses scènes champêtres (ci-dessous) ou encore Paul Gauguin et sa sublimation du mode de vie préservé de la Polynésie (à gauche).
Peinture
Témoin de la dure vie des paysans néerlandais et des mineurs belges, la sensibilité du jeune Vincent Van Gogh ne pouvait que trouver écho dans l’œuvre de Millet avec qui il partageait aussi une grande humanité et humilité. Comme son maître, le pionnier du post expressionnisme préférait également la compagnie des gens modestes aux mondanités et était un « plein-airiste » convaincu, son inspiration se nourrissant quasi exclusivement de la nature avec, comme chez Millet, une tendance progressive à minorer la présence humaine dans ses paysages.
Si l’on peut déceler l’influence du peintre français dans l’ensemble de l’œuvre de l’artiste néerlandais, un tableau en particulier ne laisse aucun doute : « Le semeur au soleil couchant » où il reprend, en élargissant le cadre, la posture du personnage peint 38 ans plus tôt par Millet.
Pour moi ce n’est pas Manet, c’est Millet le peintre essentiellement
moderne à qui l’horizon s’est ouvert devant beaucoup
Photographie
Avec l’Angelus, le tableau des Glaneuses est l’un des plus célèbres de Millet et il a notamment inspiré le photographe américain Lewis Hine qui, fidèle à son combat de sensibilisation sur le travail des enfants, en a fait une déclinaison mettant en scène des femmes et une petite fille noires récoltant des fraises. Dans la même veine de sensibilisation de l’opinion publique au triste sort de certaines catégories de la population américaine, Dorothea Lange et son iconique photo « migrant mother » s’inscrit également dans la filiation artistique avec Millet. Pris en 1936, ce cliché devenu le symbole de la Grande Dépression aux États-Unis, rend en effet hommage aux plus modestes, ces laissés-pour-compte de la révolution industrielle et de l’urbanisme triomphant.
Deux thèmes qui n’intéressaient pas non plus le « peintre paysan » alors qu’ils étaient beaucoup traités dans l’art par leurs contemporains.
Cinéma
Des tons ocre, des silhouettes en contre-jour, une composition laissant une large place aux éléments naturels : pas de doute possible, le film « Les Moissons du ciel » de Terrence Malick s’inspire de l’univers esthétique mais aussi thématique de Millet.
Chez les 2 artistes, la vie rurale et la piété religieuse sont en effet très présentes et le réalisateur de The tree of life reconnait volontiers l’influence du peintre français sur son travail. Travail qui a, plus récemment, influencé à son tour des cinéastes comme Christopher Nolan (Interstellar) ou M. Night Shyamalan (Signes, Le village). Une postérité que Millet, mort avant l’invention du cinéma, ne renierait sûrement pas aujourd’hui.
Peut-être serait-il également flatté de voir que le plus fameux des street-artists, Banksy, a revisité ses Glaneuses en en proposant la version détourée ci-dessous.
Définitivement indémodable ce Jean-François Millet !
Valérie de Comme des Français
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